L’empreinte énergétique de l’IA : décryptage du Leaderboard AIEnergyScore

L’intelligence artificielle transforme notre monde à une vitesse fulgurante, mais cette révolution a un coût : une consommation énergétique croissante et un impact environnemental non négligeable. Face à ce défi, des initiatives comme l’AIEnergyScore de Hugging Face émergent pour apporter transparence et outils d’évaluation.

Cet article de blogue vous invite à explorer les espaces AIEnergyScore et son Leaderboard, à comprendre les métriques utilisées, et à décrypter ce que ces classements révèlent sur la durabilité de nos modèles d’IA.

L’IA face à son miroir énergétique : pourquoi l’AIEnergyScore ?

L’entraînement et l’inférence des modèles d’IA, en particulier les grands modèles de langage (LLM) et les modèles de vision, nécessitent une puissance de calcul colossale. Cette puissance se traduit par une consommation électrique importante, générant des émissions de gaz à effet de serre et sollicitant des ressources naturelles.

L’AIEnergyScore, initié par Hugging Face, vise à établir un cadre standardisé pour évaluer l’efficacité énergétique des modèles d’IA. Son objectif est d’aider l’industrie à prendre des décisions éclairées en matière de développement durable, en fournissant des données comparables sur l’empreinte environnementale des modèles.

Le Leaderboard AIEnergyScore : un tableau de bord de la durabilité

Le Leaderboard AIEnergyScore est une plateforme publique où les modèles d’IA sont classés en fonction de leur efficacité énergétique lors de la phase d’inférence. Il couvre plusieurs catégories de tâches d’apprentissage automatique, permettant une comparaison pertinente :

  • Génération de texte 💬
  • Génération d’images 📷
  • Classification de texte 🎭
  • Classification d’images 🖼️
  • Et d’autres tâches courantes …

Chaque modèle est évalué et reçoit une note visuelle de 1 à 5 étoiles, 5 étoiles indiquant les modèles les plus économes en énergie.

Capture écran du classement en date du 14 novembre 2025 :

Décrypter les résultats : une différence de 21,9x !

L’une des révélations les plus frappantes du Leaderboard est la disparité énergétique entre les modèles. Par exemple, dans une catégorie donnée, il peut y avoir une différence de 21,9 fois entre la consommation d’énergie la plus élevée et la plus faible.

Cette statistique souligne un point crucial : tous les modèles ne sont pas égaux en termes d’efficacité énergétique. Un développeur ou une entreprise qui choisit un modèle moins efficace peut, sans le savoir, multiplier son empreinte carbone par plus de vingt pour une tâche similaire. Cela met en évidence l’importance de l’optimisation des modèles et de la sélection judicieuse des architectures pour réduire l’impact environnemental de l’IA.

La formule de l’empreinte : comment l’énergie est-elle calculée ?

L’AIEnergyScore utilise une formule complète pour estimer l’énergie totale consommée par l’inférence d’un modèle :

Énergie totale d'inférence = (GPU + CPU + RAM + Réseau + Stockage) × PUE

Décortiquons chaque composant :

  • GPU (Graphics Processing Unit), CPU (Central Processing Unit), RAM (Random Access Memory) : Ce sont les composants matériels qui consomment directement de l’énergie pendant l’exécution du modèle. Leur consommation est mesurée ou estimée avec précision.
  • Réseau (Networking) : L’énergie nécessaire pour le transfert des données vers et depuis le modèle (par exemple, l’envoi de la requête et la réception de la réponse). C’est une consommation indirecte mais réelle.
  • Stockage (Storage) : L’énergie consommée par les systèmes de stockage qui hébergent le modèle et les données nécessaires à son fonctionnement. Également une consommation indirecte.
  • PUE (Power Usage Effectiveness) : C’est un multiplicateur qui représente l’efficacité énergétique du centre de données où le modèle est exécuté.
    • PUE = Énergie totale de l'installation / Énergie des équipements informatiques
    • Un PUE de 1,0 serait idéal (toute l’énergie va aux équipements IT), mais en pratique, il est toujours supérieur à 1 (l’énergie est aussi utilisée pour le refroidissement, l’éclairage, etc.). Un PUE de 1,5 signifie que pour chaque watt consommé par les équipements IT, 0,5 watt supplémentaire est consommé par l’infrastructure du centre de données.

Cette formule holistique permet d’obtenir une estimation plus réaliste de l’énergie totale requise pour faire fonctionner un modèle d’IA.

Au-delà de l’énergie : eau et épuisement des ressources (ADPe)

L’impact environnemental de l’IA ne se limite pas à la consommation d’énergie et aux émissions de CO₂. L’AIEnergyScore intègre d’autres métriques cruciales :

  • Consommation d’eau : Les centres de données, qui hébergent nos modèles d’IA, consomment d’énormes quantités d’eau, principalement pour le refroidissement de leurs équipements. Cette consommation est souvent sous-estimée mais a un impact significatif sur les ressources hydriques locales, en particulier dans les régions soumises au stress hydrique.
  • ADPe (Abiotic Depletion Potential of elements) : Cette métrique représente le potentiel d’épuisement des ressources abiotiques (non vivantes) de la Terre, comme les minerais et les métaux rares. La fabrication des composants électroniques (GPU, CPU, etc.) et la production d’énergie nécessaire à leur fonctionnement sont très gourmandes en ces ressources. L’ADPe est exprimé en kg d’équivalent antimoine (kg Sb eq / kWh) et permet d’évaluer l’impact sur l’épuisement des éléments non renouvelables.

Ces métriques offrent une vision plus complète de l’empreinte environnementale de l’IA, allant au-delà des seules émissions de carbone.

Vers une IA plus durable : implications pour les développeurs

Le Leaderboard AIEnergyScore n’est pas seulement un classement ; c’est un appel à l’action. Il fournit aux développeurs et aux chercheurs les outils pour :

  • Choisir des modèles plus efficaces : En consultant les classements, il est possible d’opter pour des modèles qui offrent des performances similaires avec une consommation énergétique moindre.
  • Optimiser leurs propres modèles : Les métriques détaillées peuvent inspirer des stratégies d’optimisation pour réduire l’empreinte de leurs créations.
  • Sensibiliser : Partager ces informations contribue à élever le niveau de conscience collective sur l’importance de l’IA durable.

Conclusion

L’AIEnergyScore de Hugging Face est une initiative pionnière qui nous pousse à repenser la conception et le déploiement de l’IA. En mesurant et en rendant transparent l’impact environnemental des modèles, il nous offre une feuille de route vers une intelligence artificielle plus responsable, plus éthique et, finalement, plus durable. C’est un pas essentiel pour que l’innovation technologique aille de pair avec la préservation de notre planète.

Références